Dans votre quotidien d’entrepreneur·e, vous devez prendre des décisions rapidement. Il n’est cependant pas toujours simple d’appréhender un sujet dans sa globalité en peu de temps, avant de décider de s’y lancer ou non. Par où débuter ? Quelles sont les bonnes pratiques et les points d’attention ? Que font les autres entreprises ? Dans cette rubrique, découvrez, deux fois par mois, le retour d’expérience d’une entreprise sur l’un de ces sujets de gestion pour vous aider à prendre les bonnes décisions.
Aujourd’hui, rendez-vous avec Arnaud Guillaume, cofondateur de Finalgo, pour évoquer un mode de financement encore peu connu de beaucoup de dirigeant·es : le financement en royalties.
Financement en royalties : comment cela fonctionne ?
Intéressons-nous au financement en royalties, via des plateformes de royalty crowdfunding en ligne :
L’entreprise qui cherche à lever des fonds définit le montant recherché — en coordination avec la plateforme.
Les personnes intéressées investissent un montant de leur choix (il existe parfois un minimum d’investissement) dans le projet.
L’entreprise récupère les fonds levés et se développe.
À échéance régulière (mensuelle, trimestrielle), l’entreprise verse un pourcentage de son chiffre d’affaires aux investisseurs pendant la durée du contrat. Ce sont les fameux royalties.
La bonne nouvelle pour l’entreprise : elle garde le contrôle de son capital et reverse des montants proportionnels à son chiffre d’affaires. Ce mode de financement s’adapte donc à l’activité de l’entreprise, pas l’inverse.
Financer l’entreprise sans trop se diluer
Le financement, c’est un sujet qu’ils connaissent bien chez Finalgo : l’entreprise est spécialisée dans la recherche de financements pour les entreprises. Tout le processus se fait en ligne. Elle développe des applicatifs pour trouver les bons financements, soit à travers des courtiers, soit en marketplace.
L’équipe identifie des sources de financement innovantes et alternatives et recense plus de 45 partenaires. C’est comme cela qu’Arnaud a découvert WE DO GOOD.
“Nous avons effectué une levée en pré-seed il y a 3-4 ans. Notre but était de ne pas trop nous diluer. Nous avons donc agrégé des moyens de financement innovants pour cette levée de fonds, dont du financement en royalties.”
Pourquoi choisir ce mode de financement ? Garder un maximum de contrôle sur le capital, déjà. Ensuite, cette méthode leur permettait de financer les débuts de l’entreprise, lorsqu’il y a beaucoup de risques, tout en remboursant rapidement.
“Les remboursements grignotent un peu la marge, mais nous tenions vraiment à conserver le contrôle sur l’entreprise. Et nous avons pu faire un levier dessus, en allant chercher un financement complémentaire auprès de Bpifrance et en dette bancaire traditionnelle. Nous avons tous les atouts de l’actionnariat, sans les inconvénients.”
Mobiliser son réseau pour une campagne réussie
Comment se déroule une campagne de financement en royalty crowdfunding ? Concrètement, il s’agit d’une campagne de financement participatif. Il y a donc une période assez courte pour faire connaître le projet et motiver le plus grand nombre.
“L’entrepreneur·e doit mobiliser son réseau, son premier cercle, dès le départ. Le projet passe d’abord en validation sur la plateforme : une évaluation participative est organisée pour tester l’appétence du public. WE DO GOOD nous aide en mettant à disposition son réseau. Beaucoup de particuliers ré-investissent d’un projet à l’autre sur leur plateforme.”
Noter la solution, poser des questions, pré-investir : cette phase est cruciale pour la réussite de la campagne. Arnaud souligne la nécessité de s’impliquer et d’aller mobiliser son réseau personnel et professionnel pour que cette étape de pré-levée entraîne la campagne dans la bonne direction.
“Ce moment est vraiment clé pour débloquer le stade suivant — et lancer la campagne “officielle” en ayant déjà récolté des fonds. C’est la même logique que le restaurant plein : plus il y a des personnes intéressées, qui créent une vraie dynamique, plus les investissements s’accélèrent.”
Une notion qu’Arnaud et son cofondateur ont comprise un peu tard. Ce qui ne les a pas empêchés d’atteindre leur objectif initial, et même de le dépasser. La levée de fonds s’est terminée à 125 % de l’objectif fixé, pour un montant de 87 630 €, avec 116 personnes ayant investi.
“L’atteinte de notre objectif initial a accéléré les investissements des personnes de niveau 3, c’est-à-dire celles que nous ne connaissons pas directement.”
Contrairement à une campagne de crowdfunding en don, qui propose des contreparties directes en échange du montant donné (t-shirt, album, etc), il faut trouver un autre moyen pour motiver les troupes.
“La campagne est vraiment très chronophage. Il faut s’y investir à 200 % si on veut qu’elle réussisse. E-mailings, suivi des envois, relances … C’est un gros travail pendant 2 mois (sans compter la préparation en amont). Il faut réussir à convaincre les personnes grâce au sens du projet, les enjeux de communication sont très différents d’une campagne de financement participatif en don. Et, par ailleurs, comme ce n’est pas un mode de financement très connu, il faut faire pas mal de pédagogie sur son fonctionnement.”
L’après-campagne
Chaque personne qui a investi via WE DO GOOD signe un contrat de souscription avec la société. 116 dans le cas de Finalgo. Cela peut faire peur : comment gérer de façon opérationnelle ces investisseur·euses ? Rien de plus simple en réalité :
“Nous versons les royalties directement à WE DO GOOD. Ils s’occupent ensuite de la répartition. C’est très léger en matière de gestion. Nous donnons des nouvelles régulièrement de l’entreprise, nous déclarons notre chiffre d’affaires et nous versons les royalties dues, au taux fixé au départ. C’est tout.”
Pourquoi faire appel au financement en royalties ?
Pour Arnaud, les avantages de ce mode de financement sont clairs :
Non-dilution du capital : c’était un point important pour Arnaud et son cofondateur. Ils souhaitaient rester maîtres du capital de leur société. Par ailleurs, cela permet de conserver une gestion simple : pas besoin d’effectuer des reportings.
Effet de levier : le financement en royalties permet de faire un effet de levier, comme pour un investissement en capital. Un euro investi en royalties permet de collecter entre un et deux euros en plus auprès de la banque. En comptant les financements complémentaires de Bpifrance et de leur banque, Finalgo a obtenu un financement global de 200 000 €.
Pas de garanties pour l’entreprise : contrairement aux prêts bancaires traditionnels, qui requièrent de nombreuses garanties sur l’entreprise — et qui s’étendent en général à des garanties personnelles de l’équipe fondatrice — le financement en royalties n’en nécessite pas.
Variabilité des remboursements : les remboursements se font en fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise. C’est un pourcentage du chiffre d’affaires réalisé. Il est donc modulé en fonction de l’activité de l’entreprise, contrairement aux échéances d’un prêt bancaire traditionnel, qui sont fixes et qui peuvent parfois mettre en difficulté les entreprises.
Contrats de court terme : le contrat établi avec WE DO GOOD est de 5 ans. Cela donne un horizon moyen terme pour rembourser les investisseur·euses. Si le remboursement du nominal n’est pas finalisé pendant cette période de 5 ans, alors les remboursements se poursuivent jusqu’à ce que ce montant soit atteint. L’idée est que les personnes ayant investi récupèrent au moins leur nominal. Le contrat peut également s’arrêter plus tôt si l’entreprise croît fortement.
Le financement en royalties possède de nombreux avantages. Arnaud indique cependant un point d’attention : le coût de ce mode de financement. Si le chiffre d’affaires de l’entreprise explose, les versements aussi. Chez WE DO GOOD, ils sont plafonnés à un multiple de 3. Concrètement, si une personne a investi 100, elle peut recevoir 300 à la fin. Ce qui représente un coût certain pour l’entreprise.
“Ces personnes ont investi à un moment de risque, donc c’est normal qu’elles puissent bénéficier d’un multiple pour les récompenser, même si cela a un coût pour la société. Il est difficile d’évaluer le coût du capital, mais cela reste moins cher que de l’action à la fin.”
4 conseils pour démarrer sa campagne de financement en royalties
Suite à son expérience, voici les 4 conseils d’Arnaud pour les dirigeant·es d’entreprise qui souhaitent lancer une campagne de financement en royalties :
Mobiliser son réseau pour enclencher une première dynamique : il est important d’avoir la capacité de mobiliser son réseau personnel et professionnel — même si la plateforme, comme WE DO GOOD, bénéficie déjà d’une base d’investisseur·euses. L’investissement de ce premier cercle créera une dynamique positive, qui entraînera les deuxième et troisième cercles.
Être serein·e sur l’entreprise qu’on lance : des ami·es et de la famille vont investir. Cela met une pression supplémentaire sur l’équipe fondatrice. Il faut assumer d’avoir mobilisé son réseau et que les gens comprennent qu’ils prennent un risque en contribuant à la levée. Il ne faut pas enjoliver les choses, pour ne pas créer de déception.
Communiquer le sens de l’entreprise : pour attirer les investissements, il faut faire passer le sens de l’entreprise, sa mission, son impact… et savoir le communiquer. C’est ce qui séduira les personnes qui investissent, puisqu’elles ne bénéficient pas d’une contrepartie immédiate.
Bien fixer l’objectif : le montant affiché est très important. Il faut le fixer pour qu’il soit atteint rapidement et qu’il puisse ensuite être dépassé. Souvenez-vous : c’est comme un restaurant, plus il est rempli, plus on a envie d’aller y manger.
Le royalty crowdfunding est un mode de financement intéressant pour les entreprises, qui permet de garder le contrôle à 100 % sur son capital.
Un grand merci à Arnaud Guillaume et à Finalgo pour leur retour d’expérience.