Lors de la dernière édition de ComptaTech, j’ai eu le plaisir d'interviewer Claude Onesta, sélectionneur de l'équipe de France masculine de handball de 2001 à 2016, triple champion du monde et triple champion olympique. Management et recrutement d’une équipe, anticipation de périodes de changements : la profession comptable a de quoi s’inspirer de son expérience sportive. Retrouvez ci-dessous le résumé de son intervention.
L’art de prendre des décisions
Analyser les données et suivre son instinct
Il y a 40 ans, on ne savait pas collecter et analyser les données. Progressivement est arrivée la capacité à gérer de la donnée, à la collecter, à la traiter et à l’utiliser. L’équipe de France a été très vite sur des éléments qui permettaient de mieux gérer la performance en l'analysant de manière rationnelle.
Pour autant, ce n'est pas la donnée qui fait la performance : il s’agit d’un simple outil d’aide à la décision. On aura toujours besoin de gens qui savent faire parler la donnée, mais surtout compléter des données factuelles par des conseils provenant de l’expérience.
Savoir trancher
La pression des autres peut amener à prendre de mauvaises décisions. Par exemple en 2003, alors que Nicolas Karabatic est annoncé comme l’avenir du handball, Claude Onesta choisit de le laisser sur le banc pendant le tournoi, malgré les commentaires des journalistes. Pourquoi ? Parce que donner un trop grand rôle au nouveau qui arrive dans une équipe performante, c’est négliger les autres. Son but : permettre au futur champion d’évoluer patiemment, en faisant d’abord confiance à ceux qui ont assuré la maîtrise avant son arrivée, et en assurant son acceptation par le reste du groupe.
Si associer les membres du groupe à la construction du projet est important, la décision finale appartient au responsable, qui ne doit pas chercher à faire plaisir à tout le monde.
Au cœur du collectif
Dépasser les intérêts individuels
Au départ, beaucoup de joueurs sont avant tout centrés sur leur carrière, leurs contrats, leur notoriété… L’enjeu du manager, c’est de montrer que toute l’énergie qu’ils vont utiliser pour se battre en interne va appauvrir le projet final. Ils doivent arriver à utiliser leur énergie pour jouer ensemble et donner les moyens à l’équipe de battre l’adversaire.
Pour cela, il faut leur montrer que conquérir des titres en équipe va générer un retour direct pour eux : en l’occurrence, prime de résultats et valorisation de leur image. Finalement, ce qu’ils peuvent obtenir en équipe sera toujours plus conséquent que ce qu’ils auraient pu obtenir seuls. Reste à les en convaincre !
S’engager vers un objectif commun
Réfléchir à quinze donne plus de chance d’aboutir à de bonnes solutions. Le manager doit faire participer les membres du groupe pour qu’ils deviennent co-responsables de la solution portée par tous. S’il est parfois nécessaire d’adopter un rôle autoritaire quand l’équipe dérive, il faut savoir lui redonner de la liberté une fois la crise passée. L’objectif : faire en sorte que tous les individus soient engagés et que la force du groupe soit plus forte que la somme des forces des individus qui le composent.
Gérer l’instabilité
Tout le monde redoute l’instabilité. Pourtant, ne rien faire en attendant que la situation revienne à la normale est illusoire. Mieux vaut s’adapter ! En tant que manager, vous pouvez entraîner votre équipe à travailler dans des circonstances inhabituelles. Devant une crise, il y a ceux qui vont se plaindre, et ceux capables de se saisir du problème et de le traiter comme une opportunité.
Pour passer la vague, mieux vaut faire partie du deuxième groupe… Cette vague peut alors amener l’équipe beaucoup plus loin, beaucoup plus vite que prévu !
Le collectif, un mouvement continu
Faire évoluer l’équipe
Quand et comment décider de changer des éléments d’une équipe pour continuer à gagner ? La durée de vie d’un sportif au niveau international est plus courte qu’en entreprise, donc la question se pose plus vite. Il faut pouvoir gagner les matchs du lendemain avec une équipe professionnelle, tout en préparant les compétitions à 6 mois, 1 an, 2 ans… et donc régénérer le groupe petit à petit, sans attendre le départ spontané de certains.
L’apport des nouvelles technologies dans les métiers comptables est tel qu’un groupe vieillissant va petit à petit s’appauvrir, malgré l’expérience. À vous de savoir en permanence réoxygéner le groupe avec l’arrivée de personnes qui apportent des techniques nouvelles. Ne partez pas des outils pour définir les organisations, partez des individus et de ce dont ils ont besoin.
Se remettre en question pour anticiper
Ceux qui ont réussi à bâtir une performance dans la durée ont toujours su se réinventer au fur et à mesure. Un système stable, au bout d’un moment, n’avancera plus. Les patrons doivent imaginer ce qui va arriver à moyen et long terme pour préparer l’équipe à franchir ces étapes.
Finalement, ce qu’il se passe dans le présent n’est plus vraiment de votre ressort. Votre travail est de mettre en place les mille et une conditions pour qu’il se passe ce que vous voulez qu’il se passe par la suite. Si vous passez votre temps à contrôler l’action immédiate, vous ne pouvez plus aider l’équipe à se projeter. Anticiper, c’est pouvoir traiter voire éviter les problèmes à venir. Manager, c’est prévoir, permettre à son équipe d’anticiper les défis qui arrivent.
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