La comptabilité des crypto-monnaies soulève de nombreuses incertitudes. Pour démêler le vrai du faux, le Club des Experts a passé en revue quelques questions fondamentales et certains pièges à éviter lors de la comptabilisation des crypto-actifs.
Au micro, Sanaa Moussaïd (présidente Crypto Accounting), Fabrice Heuvrard (directeur général Crypto Accounting) et Antoine Scalia (CEO Cryptio) ont fait la lumière sur le traitement comptable des actifs numériques lors d’un webinar animé par Fanny Duverger (Pennylane). On revient sur les meilleurs moments.
Comment comptabiliser une cryptomonnaie ?
Comme tous les flux économiques d’une société, les flux et les actifs numériques doivent être comptabilisés. Lorsqu’on comptabilise des cryptos-actifs, on comptabilise une activité. En effet, le traitement comptable sera différent selon qu’il s’agit :
de revenus de stacking (immobilisation des cryptos contre rémunération ou taux d'intérêt) ;
de revenus de mining (fourniture de service à la blockchain en échange d'une récompense) ;
ou de placements de trésorerie.
Le règlement de l’ANC 2020-05 donne des pistes de schémas d’écriture comptable à ce sujet.
💡 À noter : Le traitement de certaines activités comme les NFT (non fongible token) ou les opérations de DeFi (“decentralized finance” ou finance décentralisée) n’est pas encore clairement défini par l’Autorité des normes comptables (règlement de l’ANC 2020-05).
Les idées fausses
Lever les doutes sur le traitement comptable des actifs numériques, nous oblige à tordre le cou à certaines idées fausses. Parmi elles, les notions de récupération de données et de facturation méritent une mise au point.
"Récupérer de la donnée sur la blockchain, c'est trop facile."
Pour comptabiliser les cryptos, il faut pouvoir récupérer la donnée sur des blockchains(technologie permettant de garder la trace d'un ensemble de transactions sous forme d'une chaîne de blocs) ou sur des exchanges (sites d’échange ou plateformes centralisées permettant d’acheter et vendre des cryptomonnaies). Cette récupération semble facile, car les blockchains sont publiques. Pourtant, collecter de la donnée sous ces deux sources entraîne une grande complexité. Cette difficulté se rencontre notamment lorsqu’il s’agit d’exporter à partir de la blockchain de la donnée venant entre autres d’activités complexes liées au stacking ou à l’utilisation de smart contracts (protocole de transaction informatisé exécutant automatiquement les termes d’un contrat.). Dans cette configuration, la récupération de la donnée s’avère problématique. Le problème peut provenir de différents facteurs :
structure des blockchains ;
moyens de récupération non aboutis ;
plateformes et process non-audités ;
fichiers non normés ou non harmonisés.
La donnée récupérée dans ces conditions sera donc incomplète et difficile à traiter.
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"Quand je paie en actifs numériques, je n'ai pas besoin de facture."
Comme n’importe quel paiement, payer en actifs numériques exige une facture. Cependant, le fonctionnement de la blockchain implique que dans certaines situations, il est impossible d’obtenir une facture. Le problème se vérifie notamment au niveau des frais de transaction pour lesquels aucune facture n’est émise.
Lorsqu’il s’agit de paiement en crypto, l’écueil peut résider également au niveau des outils de facturation traditionnels, en raison de la volatilité des prix, d’écart de change, de réconciliation de factures. Cependant, il existe des outils de facturation spécialisés crypto rendant la réconciliation de facture automatique. Ce point est d’autant plus important que la fiscalité se base sur des pièces justificatives sans lesquelles aucune déductibilité fiscale n’est possible. Le défaut de facture d’achat peut être assimilé à de la fraude fiscale. Dans ce cas de figure, l’expert-comptable est tenu de procéder à une déclaration de soupçon auprès de Tracfin.
Pour ne prendre aucun risque face à la loi, il faut :
S’assurer que le fournisseur est inscrit dans son pays d’origine et qu’il déclare ses impôts.
Pouvoir transmettre une facture en euros avec contre-valeur en bitcoin ou autre crypto-monnaie avec le cours du jour.
Recenser exactement le nombre de wallets (portefeuille numérique) possédés par la société.
Comment valoriser un actif numérique ?
Les actifs numériques comme les tokens ou les bitcoins ont une valeur du jour. Il faut donc comptabiliser chaque token ou crypto à l’actif. Cela même pour les shitcoins (monnaie ayant peu de valeur, comme de dogecoin), car ces actifs peuvent prendre de la valeur. Cette précaution vaut également pour les NFT (non fongible token) dont on ne connaît pas la valeur d’échange. Ces actifs « sans valeur », généralement non côtés, doivent être rigoureusement inscrits au bilan, quitte à les mettre à 1 euro symbolique pour avoir un suivi dans le temps.
En comptabilité, l’actif doit être à sa juste valeur, sous réserve d’être au coût historique. Ici, on regarde le coût historique pour avoir une valeur de marché. Si la valeur de marché est supérieure au coût historique, on est face à une plus-value latente. À l’inverse, si le cours de marché au bilan est inférieur au coût historique, il faut passer une dépréciation comptable. Le bémol ? Pour certaines cryptos, aucune cotation officielle n’existe. Il faut alors faire une moyenne entre les cotations affichées par les différentes plateformes.
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FAQ - La comptabilité des actifs numériques
Comment matérialiser la vente lors d’un drop de NFT ?
À l’heure actuelle, les NFT ne sont pas pris en compte dans la réglementation. Pour rappel, un NFT (non fongible token) est un objet numérique non fongible. Il peut s’agir de fichier, d’image, de vidéo voire d’audio. Il dispose d’un code d’identification unique, non reproductible.
Au regard de leurs typologies diverses, y compris de leurs droits associés, on ne sait pas comptabiliser les NFT. En règle générale, lorsqu’il s’agit d’une vente de NFT, il faudra faire une facture de vente. Lorsqu’il s’agit d’un don de NFT, le prix sera à zéro. Le conseil dans ce dernier cas de figure : bien lister les personnes à qui seront donnés ces NFT. En ce qui concerne la TVA, une vente de NFT est considérée comme un échange d’actifs numériques qui n’est pas soumis à la TVA.
Dans un smart contract, quelles sont les obligations en matière de facturation ?
Un smart contract peut aussi bien servir à émettre des NFT que procéder à une ICO (Initial Coin Offering ou levée de fonds en cryptomonnaies) en émettant un jeton ou faire des échanges. Quel que soit le cas de figure, toute vente en cryptomonnaie nécessite une facture. Ce qui implique que la société doit être en mesure d’identifier le tiers avec qui elle travaille.
Quelle est la fiscalité autour du staking ou du farming pour les entreprises ?
D’un point de vue fiscal, les sociétés de stacking (immobilisation des cryptos contre rémunération ou taux d'intérêt) en fonction de leur protocole peuvent être plus ou moins assujetties au statut de PSAN (prestataires de services sur actifs numériques).
En ce qui concerne le farming (génération de revenus passifs grâce à l’immobilisation de cryptos sur une plateforme), les choses sont un peu plus compliquées, car retrouver les transactions pose des problèmes. Au regard de ces complexités fiscales, il est recommandé de prendre les conseils d’un avocat fiscaliste.